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  le blog de Bernard Giusti

Articles littéraires (romans, nouvelles, poésies, essais, sciences humaines) ) politiques et syndicaux

Gros plan sur un métier méconnu : le brancardage

Publié le 29 Mars 2012 par Bernard Giusti in Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

En dehors des soins directs dispensés dans un établissement de santé, il existe de nombreux métiers dont on parle généralement peu, voire pas du tout, et qui sont pourtant indispensables à la prise en charge des patients. Ouvriers, administratifs, personnel de bio-nettoyage ou personnel de cuisine, garçons de salle, archivistes, tous ces métiers, qui sont souvent considérés comme des « petits métiers », concourent à la bonne marche des services et à l’efficacité des soins. L’un de ces métiers méconnus est celui du brancardage.

 

La plupart des personnes qui ont été hospitalisées ont été prises en charge, à un moment ou un autre, par un brancardier : passage d’un service à un autre, acheminement vers les blocs opératoires ou vers les services d’examens (radiologie, laboratoires…), tous déplacements nécessitant une mobilisation du patient.

 

Recrutés dans les catégories des Aides Soignants (AS) et des Agents Hospitaliers, avec la privatisation rampante des hôpitaux les brancardiers ont vu arriver parmi eux des CDD au cours de ces dernières années. On a donc assisté, en réalité, à une déqualification progressive de ce métier, et ceci dans une quasi-indifférence générale, qui est due au fait que le brancardier est souvent perçu comme les laquais qui jadis transportaient les chaises à porteurs. En somme, le brancardier « c’est quelqu’un qui pousse un truc »…

Il est vrai que le brancardage est d’abord physique : il faut soulever des patients, pousser ou tirer des chaises roulantes ou des brancards qui peuvent lorsqu’ils sont équipés être très lourds, ou encore des lits à roulettes peu maniables ; il faut parfois emprunter des couloirs ou des galeries dont les sols sont inégaux, monter ou descendre des pentes très accentuées, traverser des cours par tous les temps, qu’il neige ou qu’il vente, et tout cela en ayant toujours comme préoccupation première le confort et la sécurité du patient.

Le manque de reconnaissance de ce métier ne concerne malheureusement pas que les patients, mais aussi une partie du personnel soignant. Que l’on soit AS affecté au brancardage ou AS affecté dans un service change le regard qui est porté sur vous. L’une des raisons est sans doute liée au temps passé auprès du malade. N’ayant qu’un rapport épisodique et relativement court avec le patient, le brancardier ne bénéficie pas de la même reconnaissance que l’AS du service, qui lui est toujours sur place et est partie intégrante de l’équipe soignante.

Le rôle du brancardier ne se limite pourtant pas à « pousser et tirer des trucs ». Durant le temps du transport, la sécurité et la surveillance du patient lui sont dévolues. A lui de veiller à ce qu’une perfusion ne se débranche pas, à ce que certains patients agités ne tombent pas du lit ou du brancard, à veiller que le malade ne fasse pas un malaise inopiné, etc., tout cela en prenant garde à éviter toutes les chausse-trappes disséminées sur sa route…, Il est arrivé par exemple qu’un brancardier et son patient en cours de transfert se retrouvent bloqués dans un ascenseur en panne. En attendant les secours (qui en raison de la privatisation des ascenseurs ont beaucoup tardé) c’est le brancardier qui a dû assumer la tâche de soignant. Heureusement, ce brancardier-là était un AS et non un CDD ignorant les gestes élémentaires de secours…

Il lui incombe aussi de signaler au service destinataire tout incident concernant le patient et ayant eu lieu durant le transport, ce qui peut être une indication très précieuse pour l’équipe médicale.

 

Avec la politique libérale qui veut faire de l’établissement de santé une entreprise et qui a pour objectif la réduction du personnel, de nouvelles organisations de travail pour les brancardiers se sont mises en place. Elles visent à « rentabiliser » ce métier en quantifiant les déplacements de chaque brancardier, tout en occultant son rôle de soignant. On ne tient pas compte de la dimension humaine de ce métier, qui consiste par exemple à rassurer tel ou tel patient, à s’assurer de son confort, etc., toutes « petites choses » qui font partie du brancardage et qui échappent à la quantification. Le résultat est une déshumanisation du rapport aux patients, déshumanisation générale à tous les corps de métiers de la Santé. En effet, le nombre de transports attribués à chaque agent ne lui laisse que très peu de temps pour effectuer ce que l’on peut appeler « une course », dans tous les sens du terme. Du même coup, le patient est quant à lui traité comme « un colis »…

Cette même politique libérale (c’est-à-dire capitaliste) tend de plus en plus à attribuer des tâches de brancardage aux infirmières et aux AS des services de soins, en lieu et place des brancardiers. Une diminution progressive des effectifs attribués à ce métier qui laisse mal augurer de l’avenir…

Sauf à changer de système en rejetant le système libéral.

 

 

Bernard Giusti et Marise Dantin

CGT de l’hôpital Cochin

 

Article paru dans l’Huma Dimanche

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Y
Sécurité du patient et humours pour tous
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A
J'aime. Et vs aussi vs aimez
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