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  le blog de Bernard Giusti

Articles littéraires (romans, nouvelles, poésies, essais, sciences humaines) ) politiques et syndicaux

Syndicat et projet de société

Publié le 25 Juin 2012 par Bernard Giusti in Articles politiques et syndicaux

Syndicat et projet de société

25-06-2012

 

Certains prétendent encore, en se coulant dans les discours chers au patronat, qu’un syndicat se doit d’être apolitique. Outre que l’on pourrait s’interroger sur les contradictions inhérentes à cet adjectif, « apolitique », il est évident qu’un syndicat, par ses revendications mêmes, prend obligatoirement une position politique. Comment s’imaginer que l’on reste en dehors du champ politique dès lors que l’on s’oppose à des lois injustes, ou que l’on revendique des droits légitimes pour les travailleurs ? Ce faisant, on s’oppose inévitablement aux forces politiques qui poussent en sens contraire et l’on soutient celles qui vont dans le même sens. C’est une évidence, et lorsqu’elle est niée il convient de s’interroger sur les buts inavoués de ceux qui proclament « l’apolitisme » des syndicats…

Alors si un syndicat ne peut être apolitique, que peut recouvrir ce terme lorsqu’il est avancé par certains ? Peut-être entend-t-on par là qu’un syndicat doit aller où le vent le pousse au gré de ses revendications ? Dans ce cas, s’agit-il d’opportunisme ou  de pragmatisme ? La réponse est claire, il s’agit de l’opportunisme le plus sordide. En effet, la différence entre les deux est que l’opportuniste va où vont ses intérêts les plus immédiats, quitte à s’allier pour ce faire, momentanément ou non,  aux ennemis mortels de la classe ouvrière ; le pragmatique, lui, s’appuie sur un projet de société et ne l’oublie jamais. Ses alliances se feront donc toujours en fonction de ce but final.

Pour être efficace, l’action syndicale doit nécessairement s’appuyer sur un projet de société. Le syndicat n’est pas une auberge espagnole où chacun apporte ses revendications catégorielles sans qu’il y ait sur le fond de cohérence entre toutes les revendications. Le syndicat n’est pas un « self-service social ». Son rôle est certes d’être à l’écoute des revendications de tous les travailleurs, mais il doit aussi les organiser en fonction d’un but commun à tous. Ce but commun autour duquel peut se structurer sur le long terme l’unité d’action du syndicat, c’est un projet de société.

Mais est-ce le rôle d’un syndicat de proposer un projet de société ? Non, c’est celui d’un parti politique. Or force est de constater qu’à l’heure actuelle aucun parti ne propose de projet de société. On nous propose certes des « programmes » politiques, mais un programme n’est en principe rien d’autre que le listage de moyens destinés à atteindre un but, ce n’est pas un but en soi. Pour l’instant nous avons donc des programmes avancés par les uns et les autres, mais aucun parti ne nous dit : voilà la société que je veux. Au mieux on nous sert des vœux pieux : une société plus égalitaire, moins d’injustice, plus de solidarité, etc. Objectifs nobles, certes, auxquels se cramponnent pratiquement tous les partis, de gauche comme de droite, mais ce ne sont souvent que des déclarations d’intention qui ne coûtent strictement rien, et surtout qui éludent la question de fond : quelle société voulons-nous construire ? A cet égard, reconnaissons tout de même que les partis de la droite sont plus clairs à ce sujet que ceux « de gauche », la société marchande capitaliste étant déjà en place et constituant leur fond de commerce politique.

Proposer des programmes de gouvernement au lieu d’un projet de société offre un autre avantage pour nos politiciens : éviter aux libéraux (de l’extrême droite aux sociaux-démocrates du PS) d’affirmer qu’ils sont partisans du système capitaliste actuel, avec son cortège d’inégalités et d’injustices inacceptables, de pauvreté à croissance exponentielle, de captation des richesses par quelques-uns au détriment des peuples, etc. Cependant force est de constater que cet évitement de la question cruciale d’un projet de société en bonne et due forme concerne tout aussi bien, désormais , des partis qui officiellement rejettent le système capitaliste, dont en premier lieu le PCF. Depuis l’abandon de la « dictature du prolétariat », abandon opéré au nom d’une stratégie bassement électoraliste, le PCF n’a cessé de se renier en reniant les unes après les autres toutes les valeurs qui ont jadis fait sa force, et qui étaient sa raison d’être. On peut constater aujourd’hui les résultats d’une telle stratégie. Mais loin de se remettre en question la direction du PCF persiste : son engagement dans le giron de l’Europe capitaliste est une véritable trahison envers la classe ouvrière. Une partie de la direction de la CGT s’est engagée dans la même voie, en commençant il y a quelques années par abandonner la ligne de lutte des classes, puis en s’engageant dans la CES, officine européenne des syndicats d’accompagnement du capitalisme. Après tous les renoncements idéologiques auxquels il s’est livré, l’hémorragie de militants qui a frappé le PCF atteindra-t-elle à un moment ou un autre notre syndicat ?

Pour revenir à notre propos, il est certain qu’à l’heure actuelle il serait vain de chercher un projet de société crédible dans lequel il serait question d’appropriation collective des moyens de production…  Les militants  cégétistes qui se calent sur une position de luttes des classes ne peuvent donc plus organiser leurs actions en vue de la réalisation d’un projet général de société ; par contre le courant réformiste du syndicat s’appuie sur le projet capitaliste européen, projet d’instauration générale de ce que le candidat Sarkozy appelait en 2005 « l’Euramérique ». Les réformistes cégétistes semblent croire, tout comme les sociaux-démocrates, que l’on peut faire en sorte de « s’arranger » avec ce système capitaliste, qu’on peut y influer de l’intérieur afin qu’il soit plus acceptable pour les travailleurs. C’est bien sûr oublier l’histoire et la nature même du système qui tend et tendra toujours au même but, l’exploitation maximale des travailleurs. Il n’y a aucune illusion à se faire à ce sujet.

Pour les militants syndicaux qui pensent que la CGT doit rester un syndicat de classe et de masse et ne pas se compromettre dans des « arrangements » avec un « capitalisme  triomphant », la difficulté pour un grand nombre d’entre eux est aujourd’hui de discerner le sens exact à donner à leurs luttes ou le sens exact des directives de la hiérarchie cégétiste, puisque précisément ils ne peuvent plus se référer à un projet de société clairement établi (au mieux, dans la gauche révolutionnaire, se réfère-ton à un projet politique de façon implicite – tout le monde étant supposé savoir de quoi on parle). Se référer à des valeurs générales comme la République, la laïcité, la paix ou la démocratie, ne suffit pas à éclaircir la visée politique finale du combat syndical, puisque comme je l’ai dit nos ennemis de classe se réfèrent aux mêmes valeurs. Il est donc absolument nécessaire de faire œuvre pédagogique en quelque sorte en présentant aux militants et aux citoyens en général un véritable projet de société, noir sur blanc, qui affirme les principes de la nécessité de la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme et de la socialisation des moyens de production et d'échange. Mais en attendant ? En attendant, la véritable boussole du militant syndical, l’ossature sur laquelle doivent s’articuler toutes ses actions reste la ligne de la lutte des classes, la conviction que quoi qu’il arrive le but du capitalisme et des gouvernements à sa solde reste toujours le même : renforcer toujours plus l’exploitation des travailleurs afin de dégager toujours plus de profits.

A cet égard la Conférence sociale récemment organisée en France en est un bel exemple, puisqu’il s’agissait d’amener les syndicats à collaborer avec les patrons afin de « trouver des solutions pour réduire le coût du travail » - c’est-à-dire réduire nos salaires, par les impôts ou les prélèvements divers, etc. Lorsqu’on nous parle de « baisse du pouvoir d’achat », il ne faut pas penser simplement « baisse du pouvoir d’achat », mais bel et bien « baisse des salaires », ce qu’est en réalité une baisse du pouvoir d’achat. La baisse des salaires par tous les moyens, directs ou indirects, reste la pierre angulaire, la concrétisation majeure de la lutte des classes, c’est-à-dire de l’exploitation sans cesse accrue des travailleurs. La collaboration de nos dirigeants syndicaux à cette Conférence sociale « repose sur l'illusion que « le dialogue social » avec le pouvoir serait plus efficace que la construction d'un réel rapport de force global en confrontation directe avec lui. Ainsi on a conforté sa volonté de poursuivre et d'aggraver les contre-réformes comme on le voit avec le retour en force du prolongement de l'âge de départ à la retraite. A la stratégie globale de contre-réformes du pouvoir et du MEDEF doit correspondre une stratégie de résistance globale et du « TOUS ENSEMBLE », associé à une bataille d'idées sans concessions. » (Front Syndical de Classe, http://www.frontsyndical-classe.org/article-33286929.html)

Les militants de la CGT  qui pensent comme nous  que la lutte des classes est une réalité incontournable, et que comme le disait Henri Krasucki : « Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l'unité, son motif le plus puissant. C'est pour la mener avec succès en rassemblant l'ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n'est pas une invention, c'est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu'elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l'exploitation et à l'écrasement. », se sont regroupés au sein du Front Syndical de Classe.

Dans ce cadre, le Front Syndical Santé rassemble les militants sur des thèmes plus spécifiques à la Santé. Le FSC n’est pas un syndicat, c’est une association de militants syndicaux de la CGT et de la FSU. Il ne s’agit donc pas de « remplacer » d’une façon ou d’une autre les structures existantes de la CGT, mais simplement de nous regrouper afin de nous faire entendre de nos dirigeants syndicaux et les amener à retrouver le chemin de la lutte des classes.

Camarades, ensemble nous pouvons imposer à nos dirigeants ces idées que partagent un grand nombre des militants de base.  Rejoignez-nous au Front Syndical de Classe Santé !

Bernard Giusti, Secrétaire Général Adjoint CGT Cochin, Paris

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