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  le blog de Bernard Giusti

Articles littéraires (romans, nouvelles, poésies, essais, sciences humaines) ) politiques et syndicaux

Il y a quarante ans, le coup d’Etat fasciste au Chili : syndicalisme réformiste et syndicalisme Révolutionnaire

Publié le 1 Septembre 2013 par Bernard Giusti in Articles politiques et syndicaux, Histoire, bernardgiusti

Il y a quarante ans, le coup d’Etat fasciste au Chili : syndicalisme réformiste et syndicalisme Révolutionnaire

[Cet article a été publié dans L'Anti-Casse, n°4, septembre 2013, le journal de la CGT Cochin. Je l'ai volontairement écrit "à la serpe". Notamment, il n'y est pas fait mention de l'Unité Populaire que dirigeait Allende, ni du rôle des autres partis de l'Unité Populaire, notamment celui du PC chilien, étant entendu que dans toutes ces alliances entre la gauche et le PS, c'est le réformisme du PS qui a toujours prévalu et mené la danse. L'accent a volontairement été mis sur la position réformiste du PS chilien. C'est que le propos de l'article, qui s'adresse à des collègues et camarades peu férus d'histoire et encore moins de théorie, était avant tout de passer le message suivant : il n'y a rien à attendre de la collaboration de classe, rien à attendre du capitalisme, et donc rien du réformisme.

Nous sommes dans une période historique où le capitalisme est ouvertement "sauvage", ce dernier terme laissant supposer qu'il y a un capitalisme "raisonné". Il est vrai qu'il y a eu, en France par exemple au sortir de la guerre et sous le gaullisme, un capitalisme soucieux a minima du bien public. Mais raisonné ou sauvage, le capitalisme n'a jamais d'autre but que de conserver et accroître les intérêts de la bourgeoisie au détriment des travailleurs.

Dans cette période historique que nous vivons, donc, nous voyons nos dirigeants syndicaux et politiques se rallier aux sirènes de la collaboration de classe. C'est pourquoi il était important de signifier à mes collègues et camarades que la collaboration de classe ne mène qu'à une seule chose : désarmer les travailleurs dans la défense de leurs intérêts et provoquer la division en leur sein (Henri Krazucki).]

 

 

Il y a quarante ans, le coup d’Etat fasciste au Chili : syndicalisme réformiste et syndicalisme Révolutionnaire

 

Réformisme politique et économique…

Dans un système capitaliste (1) la recherche de l’accroissement des profits se heurte toujours à l’ordre social. C’est ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays (mais aussi en Europe et dans le monde) : le développement capitaliste (2) ne peut plus se faire qu’au détriment des conditions d’existence de la masse de la population. C’est la raison pour laquelle depuis plusieurs décennies les gouvernements libéraux de droite et de gauche s’attaquent résolument à tous nos acquis sociaux.

Il y a 40 ans avait lieu le coup d’Etat militaire au Chili. Un gouvernement socialiste avait été élu, prenant entre autres mesures l’expropriation des grands propriétaires terriens et des nationalisations d’entreprises : c’en était trop pour la bourgeoisie du pays qui fomenta un coup d’Etat sous la houlette du général Pinochet. Pendant des mois la bourgeoisie prépara le terrain aux militaires en déstabilisant le pays (3). Les Etats-Unis, pour défendre les intérêts capitalistes et sous prétexte d’une menace communiste, appuyèrent et financèrent le coup d’Etat. Le régime fasciste de Pinochet (4) s’installa au pouvoir pendant 17 ans, avec son cortège d’innombrables assassinats, viols et tortures, et une régression sociale sans précédent. L’ordre capitaliste avait été rétabli, le peuple muselé, et durant cette période de dictature la bourgeoisie, plus que jamais, « fit des affaires » et s’enrichit tandis que les Chiliens s’appauvrissaient.

Le libéralisme n’a qu’une seule loi : faire des affaires à tout prix pour le seul profit de quelques-uns. Lénine (5) disait que « les faits sont têtus » : pour qui veut les lire, au-delà de la propagande idéologique libérale largement médiatisée, les leçons de l’Histoire sont claires. Comme le rappelle Marise Dantin dans son discours du 25 août dernier, en France le Conseil National de la Résistance (CNR) imposa lui aussi des nationalisations. Il imposa au nom du bien public des mesures sociales et économiques qui allaient contre les intérêts capitalistes privés. Pourtant il n’y eut pas de coup d’Etat. C’est qu’au sortir de la guerre les représentants du capitalisme, les patrons, avaient tant collaboré avec les nazis (6) que, discrédités, ils ne purent s’opposer au CNR et aux grandes avancées sociales (7) voulues par le peuple. Alors pourquoi Allende ne put-il éviter le coup d’Etat ? L’une des raisons est qu’Allende était avant tout un socialiste, c’est-à-dire un réformiste. Fidèle au credo socialiste, Allende voulut respecter jusqu’au bout les règles politiques et institutionnelles mises en place par les pires ennemis du peuple, les patrons (8).

Fidèles à leurs dogmes, les socialistes français continuent, malgré les leçons de l’Histoire, à vouloir croire que l’économie libérale, taillée sur mesure pour les patrons, est une nécessité incontournable. Les socialistes sont des gens qui croient que le capitalisme peut être gentil ! Ils s’imaginent que finalement on peut toujours s’arranger avec lui et parvenir à lui soutirer quelques miettes sociales… Cette position socialiste, c’est une des facettes du réformisme : on ne touche pas au système, on essaie de s’arranger avec lui.

 

… et réformisme syndical

Mais c’est sans compter avec les appétits féroces du patronat, français et international, représenté en France par le MEDEF, qui ne laisse à Hollande et ses amis pratiquement aucune marge de manœuvre et le contraint à de nouvelles régressions sociales (9). Malgré tout, Hollande reste droit dans ses bottes et respecte les « règles » économiques capitalistes, bien plus frileux en cela que ne le fut Allende. C’est pour respecter ces règles que Hollande nous impose une austérité (10) qui ne profite qu’aux seuls patrons. C’est cette politique qui génère l’augmentation intolérable du nombre de citoyens vivant sous le seuil de pauvreté en France (11). Les gouvernements réformistes, libéraux, sont bien les fidèles alliés du patronat.

Dans ce contexte, quel peut être le rôle des syndicats ? A priori, ils ont tous un but commun : défendre les intérêts des travailleurs (12). Mais comme on l’a bien deviné dans ce qui précède, ce n’est pas si simple ! Ce qui définit l’action d’un syndicat, c’est sa position par rapport au système politique et économique. Autrement dit, c’est le type de société qu’il estime le plus à même d’être favorable aux travailleurs. Dès lors les syndicats se divisent en deux grands groupes : les syndicats réformistes et les syndicats révolutionnaires. Les syndicats réformistes acceptent le système capitaliste et pensent qu’on peut s’arranger avec lui. Les syndicats révolutionnaires constatent que le système capitaliste n’a qu’un seul but, exploiter toujours plus les travailleurs, et pensent qu’il faut changer de système.

« Marx disait que l’idéologie dominante d’un ordre social donné est nécessairement celle de la classe dominante, sauf en période de révolution. Le réformisme, qui prétend concilier les intérêts des travailleurs et ceux des capitalistes, est l’expression au sein du mouvement ouvrier de l’idéologie actuellement dominante, et donc capitaliste.» (13) En France, l’un des syndicats réformistes est la CFDT, qui a signé l’ANI (14), qui livre les travailleurs pieds et poings liés au bon vouloir du patronat. Pour la CFDT, « la crise est l’affaire de tous » et il faut aider les patrons ! Bref, quand les patrons disent « on va vous prendre 50% de votre salaire », la CFDT dit « négocions, ne prenez que 25% » !

Pour la CGT Cochin, il n’y a rien à attendre de bon des patrons ou d’un gouvernement libéral, parce qu’il n’y a rien à attendre de bon du système capitaliste. La CGT Cochin se situe parmi les syndicats dits révolutionnaires parce qu’elle milite pour un changement de système (15). Et c’est bien le rôle que la CGT doit jouer : défendre les travailleurs, ce n’est pas seulement les défendre au cas par cas dans les entreprises, c’est aussi défendre leurs intérêts en militant pour l’instauration d’un nouveau système économique et politique, un système dans lequel la production des richesses ne profiterait pas seulement aux patrons et aux spéculateurs mais à l’ensemble de la population.

Depuis 1789, et surtout depuis 1793, la bourgeoisie n’a cessé de combattre l’un des principes de la Révolution française, la « vertu républicaine », qui consiste à toujours choisir le bien de tous contre les intérêts particuliers. Aujourd’hui les intérêts particuliers priment sur l’intérêt général. Les acquis de la Révolution française ont été trahis depuis longtemps par la bourgeoisie triomphante et les patrons peuvent piller le pays impunément, sur le dos des travailleurs bien entendu…

Comme le souligne Marise Dantin (16), pour la CGT Cochin les dirigeants syndicaux ne doivent pas s’asseoir à la table des négociations. On ne négocie pas sur des revendications patronales visant à exploiter toujours plus les travailleurs avec l’appui du gouvernement. Ce n’est pas la solution. Elle est avant tout dans l’instauration d’un rapport de force favorable aux travailleurs, et au-delà dans la mise en place d’un système de répartition égalitaire des richesses. Pour cela, notre rôle est d’amener les travailleurs à prendre conscience de leur force : sans eux, les patrons ne sont rien.

 

Bernard Giusti

Secrétaire Général Adjoint CGT Cochin

 

1 Libéral, comme Hollande ou Sarkozy, ou ultra-libéral comme Marine Le Pen…

2 Accroissement des profits au bénéfice de quelques-uns.

3 Notamment par une opposition institutionnelle systématique, ou encore par une campagne médiatique et la grève des camionneurs financées par la CIA.

4 Protégé plus tard par une autre libérale, la baronne Margaret Thatcher, l’un des modèles de Sarkozy…

5 Lénine, Lettre aux camarades, 17 (30) octobre 1917.

6 Durant la période de « l’Etat français » du maréchal Pétain, le Pinochet français.

7 Dont l’Assurance Vieillesse, la retraite, attaquée par Sarkozy puis Hollande.

8 Il alla même jusqu’à remplacer le général Carlos Prats, qui venait en juin de le sauver d’une première tentative de coup d’Etat, par… Pinochet.

9 La réforme des retraites par exemple.

10 Au nom d’une « dette » qui, rappelons-le, est une gigantesque arnaque.

11 Dont 2,7 millions d’enfants. Selon une enquête de l’Insee publiée ce vendredi 13 septembre, 14,3% des Français vivent avec moins de 977 euros par mois, soit le seuil de pauvreté, ce qui n’inclut pas, par exemple, ceux qui vivent avec 1000 euros par mois… La grande majorité des citoyens vivotent avec moins de 1500 euros par mois.

12 Ce qui amène un certain nombre de travailleurs et de syndicalistes à prôner l’alliance entre les syndicats.

13 Greg Oxley, « Réformisme et marxisme », La Riposte

14  Accord National Interprofessionnel.

15 Voir l’article de Marise Dantin et Bernard Giusti sur le communisme.

16 « Nous ne voulons pas de négociations », p.6

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