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  le blog de Bernard Giusti

Articles littéraires (romans, nouvelles, poésies, essais, sciences humaines) ) politiques et syndicaux

articles politiques et syndicaux

Intervention de Bernard Giusti sur la Maternité de Port-Royal

Publié le 7 Mars 2013 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

Le 2 mars 2013, Bernard Giusti était invité par la section du PCF du 14e arrondissement à faire le point sur le drame survenu à la maternité de Port-Royal (mort d'un enfant in utero).

Secrétaire Général Adjoint de la CGT de Cochin (dont dépend Port-Royal) et Secrétaire du CHSCT de Cochin, Bernard Giusti a expliqué de quelle façon ce drame est la conséquence directe de la politique de Santé Publique mise en place depuis des décennies et poursuivie aujourd'hui.

 

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Bernard Giusti et Rimla Hawi, Secrétaire de la Section 14e du PCF

 

 

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Photos de Jean-Louis Olivier

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Quand l’amiante des hôpitaux relève… du secret médical !

Publié le 11 Octobre 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux

 L’actualité récente a mis en avant les procès concernant l’amiante et visant l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). La CGT Cochin a elle-même porté plainte en 2010.

Les risques liés à l’amiante (connus depuis longtemps puisque les premiers cas décrits datent des années 30), n’ont cependant pas été traités immédiatement à l’AP-HP. L’interdiction en France de l’utilisation de l’amiante date de 1996, et pourtant il faudra attendre 2005 pour que l’AP-HP se décide à mettre en place un « Plan Amiante » et fasse les premiers prélèvements à Cochin. Il est vrai qu’il s’agit d’une véritable maladie de classe, puisque les effets néfastes (atteintes pulmonaires, cancers…) touchent principalement les ouvriers…

Luc Czyrykowski, ouvrier à Cochin, peut témoigner des difficultés qu’il a rencontrées pour que l’Administration reconnaisse sa maladie professionnelle (toujours non reconnue à ce jour) : « A l’époque, j’ai demandé pour tous les ouvriers de Cochin un suivi spécifique à la Médecine du Travail, qui a été très réticente. Par exemple, on m’a dit que les scanners étaient dangereux et qu’il fallait attendre d’avoir 50 ans pour en passer un ! » Or comme il s’agit d’une maladie sournoise (dont les effets sont à retardement et se déclarent sur le long terme) et que de plus les carrières des ouvriers ne sont plus linéaires (on passe relativement souvent d’un poste à un autre), il devient très difficile sans suivi régulier de détecter une pathologie liée à l’amiante... Pourtant, le résultat de prélèvements effectués à Cochin en 2005 avait déjà doublé trois ans plus tard, en 2008. Rappelons en outre qu’entre l’interdiction (1996) et le premier Plan Amiante (2005) l’Administration a continué à faire travailler les ouvriers dans des milieux particulièrement dangereux. La Direction les envoyait au casse-pipe sans protection ni même la moindre information…

L’impact de l’amiante sur la santé des ouvriers de l’AP-HP est important. A l’hôpital Saint-Louis par exemple, plus de la moitié des agents des services techniques ont été atteints. A Cochin, un de nos camarades a succombé des suites de sa contamination. Il s’agit du seul cas reconnu officiellement… Sur l’ensemble de l’AP-HP il est très difficile de comptabiliser les décès, car d’une part on oppose le secret médical à nos demandes de renseignements, et d’autre part un certain nombre des collègues concernés sont déjà partis en retraite et ne sont plus suivis.

« Nos nombreux collègues touchés par l’amiante appréhendent l’avenir », nous dit François Sénac, infirmier et membre CGT du CHSCT (1) de Cochin, « car les pathologies liées à l’amiante sont irréversibles et à terme entraînent très fréquemment le décès. Pour la France, il est officiellement prévu une véritable hécatombe, plusieurs centaines de milliers de victimes d’ici une vingtaine d’années. »

Consciente des risques encourus par nos camarades ouvriers, la CGT Cochin s’est constituée partie civile contre l’AP-HP en 2010 afin de défendre et faire valoir les droits de 18 agents. L’Administration fait tout pour retarder les procès en cours. Récemment, des directeurs mis en examen ont tenté d’invalider les plaintes par un tour de passe-passe juridique…

Le combat syndical contre les dangers de l’amiante est quotidien sur Cochin. Le Dossier Technique Amiante (DTA), qui vise à localiser les locaux amiantés au sein de l’hôpital, ne relève que la présence d’amiante de surface visible à l’œil nu. Les ouvriers qui doivent par exemple percer un mur tombent souvent sur de l’amiante non référencée parce que cachée... De plus, l’évolution des diagnostics révèle la présence d’amiante dans des matériaux jusque là supposés ne pas en contenir... A l’évocation de ces risques, la Direction des Travaux a répondu avec une certaine condescendance que « les ouvriers n’ont qu’à porter des masques en permanence ». Il est vrai que les conditions de travail ne sont sans doute pas sa priorité…

Pour la CGT Cochin, le « dossier amiante » est caractéristique de la lutte des classes et en est une illustration : d’un côté une classe exploitante qui a réalisé des profits en utilisant en toute connaissance de cause une matière dangereuse et mortelle, classe qui minimise tout à la fois l’incidence de l’utilisation de l’amiante sur la Santé publique et sa responsabilité d’employeur. De l’autre côté, un prolétariat victime d’agissements cupides, contraint de travailler dans des conditions destructrices.

Aux côtés des ouvriers, la CGT Cochin lutte non seulement pour la reconnaissance des dommages qu’ils ont subis, mais aussi pour qu’ils puissent travailler dans des conditions qui ne mettent pas leur vie en danger. Nous avons pour objectif d’améliorer les conditions de vie des travailleurs au détriment des profits capitalistes grâce à un système nouveau de répartition juste des richesses. L’équilibre financier de l’AP-HP ne doit plus se faire sur le dos des agents !


Marise Dantin & Bernard Giusti (CGT Cochin, FSC)

François Sénac (Infirmier) & Luc Czyrykowski (Ouvrier)

 

CHSCT : Comité Hygiène Sécurité et Conditions de Travail. François Sénac, ancien Secrétaire du CHSCT de Cochin, a été l’un des initiateurs de la plainte déposée contre l’AP-HP par la CGT Cochin.

 

Article paru dans l’Huma Dimanche du 11-10-12

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Déclaration de la CGT Cochin à Madame Mireille Faugère, Directrice Générale de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Publié le 13 Septembre 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

Déclaration de la CGT Cochin à Madame Mireille Faugère, Directrice Générale de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Paris le 13 septembre 2012


Madame la Directrice Générale,

Vous avez été nommée par un précédent gouvernement pour continuer la politique de restructuration de nos hôpitaux mise en place par vos prédécesseurs. Or vous n’êtes pas sans ignorer les effets néfastes de cette politique, tant pour votre personnel que pour le service public de Santé. Mais fidèle à votre credo libéral, vous avez choisi d’ignorer toutes les difficultés et les souffrances qu’engendrent vos décisions.

Entre autre effet délétère des mesures que vous imposez, la CGT Cochin dénonce la réduction générale de l’offre de soins publique. Cette réduction est directement due à la fermeture progressive des hôpitaux et à la mutualisation des services de l’AP-HP au profit des établissements privés de santé. Elle s’accompagne de la réduction des personnels, lesquels se trouvent de plus en plus dans des situations de surcharges de travail génératrices de stress, de dépression, d’épuisement physique et moral. En outre ces sous-effectifs accrus mettent nos patients de plus en plus souvent en danger, compromettant gravement leur sécurité et grevant lourdement la qualité des soins. Vous donnez l’apparence de vous préoccuper des « risques psycho-sociaux » au sein des établissements de l’AP-HP, mais en réalité c’est votre politique même qui en est la source. A l’AP-HP, on ne devrait pas parler de « risques » psycho-sociaux mais de « production » de risques psycho-sociaux…
En plus des surcharges de travail le personnel doit subir trop souvent une hiérarchie agressive. Ses perspectives d’avenir professionnel sont de plus en plus réduites, notamment à cause de la quasi-disparition des formations au sein de l’AP-HP, mais aussi en raison du blocage des carrières introduit par l’exigence de diplômes de l’Education Nationale. A cela s’ajoute la difficulté accrue de se loger en raison de la réduction du parc immobilier mis à disposition du personnel. La baisse effective de nos salaires (gel du point indiciaire et augmentation des prélèvements) accroît les difficultés quotidiennes. La suppression d’emplois budgétés au profit de l’embauche de CDI fragilise nos statuts de la Fonction Publique. La liste des méfaits de la politique que vous menez n’est pas ici exhaustive…

Vous justifiez cette politique par la « crise » ou la « dette publique » auxquelles notre pays serait confronté, alors que c’est une situation créée par les gouvernements libéraux qui vous ont nommée, vous et vos pairs. Cette situation financière difficile sur laquelle vous vous appuyez pour vous attaquer à notre service public n’est due en réalité qu’à des choix de gestion, toujours néfastes pour notre institution, comme par exemple le recours à des « emprunts toxiques ». Nous savons que le but final de votre entreprise de déstructuration systématique vise à la suppression pure et simple de l’AP-HP.

La CGT Cochin refuse que la Santé soit soumise à des logiques comptables imposées par des choix politiques qui pénalisent gravement la population de notre pays et aggravent les injustices sociales.
L’avenir que vous et vos pairs nous imposez est des plus sombres : d’ores et déjà, on ne se soigne plus en France selon ses besoins, mais selon ses moyens.


Marise Dantin, Secrétaire Générale CGT Cochin
Bernard Giusti, Secrétaire Général Adjoint CGT Cochin



Cette déclaration a été lue par Marise Dantin et Bernard Giusti à Mireille Faugère, venue à Cochin à l’occasion du pot de départ du Directeur Adjoint du Groupe Hospitalier Cochin-Hôtel Dieu-Broca, Stéphane Pardoux.
Suite à la déclaration, Mme Faugère a souligné qu’elle l’entendait comme « un procès d’intention » que lui faisait la CGT Cochin.
Au cours de l’échange verbal entre Marise Dantin,  Bernard Giusti et Madame Faugère, cette dernière a indiqué que la politique de santé, initiée par le précédent gouvernement,  qu’elle continuait à mettre en place avait l’aval du gouvernement actuel…

Pour la CGT Cochin, ceci confirme que les restructurations accompagnées de fermetures d’hôpitaux continueront comme cela était prévu. La CGT Cochin, quant à elle, ne s’est jamais fait d’illusions sur Marisol Touraine ou Jean-Marie Le Guen…

Pour la CGT Cochin, seule la mobilisation générale de la population et du personnel hospitalier pourrait faire encore reculer le gouvernement libéral actuel.


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Disparition annoncée de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP)

Publié le 26 Juillet 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

Disparition annoncée de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP)

Ces dernières années les signes de la disparition programmée de l’APHP se sont multipliés. Les conséquences de cette disparition progressive sont très sensibles pour le personnel de Cochin.

 

De façon insidieuse, les gouvernements par l’entremise des ARS (1) mettent progressivement en place des réformes qui vont toutes dans le même sens et se sont considérablement accentuées avec la loi HPST (2), laquelle a transformé l’hôpital en entreprise commerciale. Les services médicaux sont désormais des unités de production, le directeur un chef d’entreprise et les patients des clients. Le fronton des hôpitaux de l’APHP n’arbore plus le logo avec le « cœur de l’APHP » mais se contente d’affirmer son appartenance à un groupe hospitalo-universitaire.

Sous prétexte de modernisation et d’efficacité comptable le regroupement des hôpitaux entraîne la fermeture de nombreux établissements publics de l’APHP, privant la population d’une offre de soins de qualité et de proximité. Ainsi l’implantation géographique de l’APHP se réduit-elle comme une peau de chagrin… En même temps, ces restructurations impliquent, par la mutualisation des services, la suppression d’un grand nombre d’emplois. Les sous-effectifs sont de plus en plus dramatiques. A Cochin on constate un sous-effectif de plus de 30%, ce qui met le personnel en danger d’erreurs professionnelles, avec des conséquences logiques pour la santé des patients. A tel point qu’il est permis de se demander si désormais dans de nombreux secteurs la sécurité des soins est assurée…

Le personnel est aussi confronté aux pénuries de fournitures (lingerie, solutés, certains matériels, etc.) dues à la politique des « flux tendus » qui interdit le stockage. De ce fait, en cas d’urgence il est fait appel à des sociétés privées, lesquelles sont sollicitées sur le critère du « moins coûtant ». Les flux tendus ont aussi une incidence sur les prévisions : à Cochin le Plan Canicule ne prévoit que 250 paires de draps pour un nombre de lits très largement supérieur. Tout est donc calculé non pas au plus juste, mais en-deçà des besoins…

D’autre part, on fait de plus en plus appel à des prestataires privés pour assurer le fonctionnement de l’hôpital. Depuis des décennies on supprime des métiers à l’APHP : personnel ouvrier, personnel d’entretien, personnel de sécurité… Inutile de dire que la conscience d’être au service du public en est considérablement amenuisée…

La loi parue le 12 mars au Journal Officiel permet désormais de remplacer des postes de fonctionnaires par des CDI (3). Ces prémisses de privatisation de la fonction publique hospitalière se déroulent sur le même schéma qu’à France Télécom : aux côtés de fonctionnaires déjà en place et bénéficiant d’un statut leur permettant de monter les échelons, se trouvent à présent des personnels relevant du droit privé laissés à la merci de la direction et des cadres. Ils ne peuvent ni négocier leur salaire, ni se prévaloir des droits des fonctionnaires. Ainsi non seulement l’hôpital est devenu le lieu d’une médecine à deux vitesses, mais aussi le lieu d’une exploitation à deux vitesses… D’ailleurs, comme à France Télécom, les suicides et les dépressions ont considérablement augmenté.

 

Le gouvernement Hollande persiste dans la casse du service public hospitalier : malgré les sous-effectifs majeurs déjà constatés, il annonce à nouveau des restrictions de personnel en déclarant ne remplacer que 2 postes de fonctionnaires sur 3. Bien sûr, puisque Hollande se préoccupe plus de rembourser la dette (à des banquiers qui pillent le pays) que de la Santé, il en fait supporter le coût aux fonctionnaires. Plutôt faire payer les petits que de changer de système… Comme le disait Alphonse Allais : « Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres. »

L’annonce de la vente du Siège historique de l’APHP couplée à la fermeture de l’Hôtel Dieu (le plus ancien hôpital de Paris), l’avance des élections professionnelles en 2014 pour les aligner sur l’ensemble des trois fonctions publiques : autres signes de la disparition de l’APHP en tant que telle, laquelle a perdu le statut dérogatoire qui lui permettait d’être un « moteur social » pour l’ensemble de la fonction publique hospitalière.

Sous couvert de partenariat avec des hôpitaux privés ou militaires (Cochin est partenaire avec le Val-de-Grâce) se met en place l’intégration des hôpitaux publics dans des GTS (4) où ils seront assujettis aux exigences du privé.

La disparition progressive de l’APHP est intimement liée à celle des services publics en général. En matière de Santé, il est évident que, sous les coups de boutoir du libéralisme de droite et de gauche,  les jours de l’hôpital public où l’on est soigné selon ses besoins et non selon ses moyens sont comptés…

 

Marise Dantin & Bernard Giusti, CGT COCHIN

 

(1)   ARS : Agences Régionales de Santé, mises place par Kouchner

(2)   Loi HPST : Hôpital Patient Santé Territoire, dite « loi Bachelot »

(3)   CDI : Contrat à Durée Indéterminée : les CDI, à la différence des fonctionnaires, peuvent être licenciés.

(4)   GTS : Groupe Territorial de Santé

 

Article publié dans l’Huma Dimanche

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Syndicat et projet de société

Publié le 25 Juin 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux

Syndicat et projet de société

25-06-2012

 

Certains prétendent encore, en se coulant dans les discours chers au patronat, qu’un syndicat se doit d’être apolitique. Outre que l’on pourrait s’interroger sur les contradictions inhérentes à cet adjectif, « apolitique », il est évident qu’un syndicat, par ses revendications mêmes, prend obligatoirement une position politique. Comment s’imaginer que l’on reste en dehors du champ politique dès lors que l’on s’oppose à des lois injustes, ou que l’on revendique des droits légitimes pour les travailleurs ? Ce faisant, on s’oppose inévitablement aux forces politiques qui poussent en sens contraire et l’on soutient celles qui vont dans le même sens. C’est une évidence, et lorsqu’elle est niée il convient de s’interroger sur les buts inavoués de ceux qui proclament « l’apolitisme » des syndicats…

Alors si un syndicat ne peut être apolitique, que peut recouvrir ce terme lorsqu’il est avancé par certains ? Peut-être entend-t-on par là qu’un syndicat doit aller où le vent le pousse au gré de ses revendications ? Dans ce cas, s’agit-il d’opportunisme ou  de pragmatisme ? La réponse est claire, il s’agit de l’opportunisme le plus sordide. En effet, la différence entre les deux est que l’opportuniste va où vont ses intérêts les plus immédiats, quitte à s’allier pour ce faire, momentanément ou non,  aux ennemis mortels de la classe ouvrière ; le pragmatique, lui, s’appuie sur un projet de société et ne l’oublie jamais. Ses alliances se feront donc toujours en fonction de ce but final.

Pour être efficace, l’action syndicale doit nécessairement s’appuyer sur un projet de société. Le syndicat n’est pas une auberge espagnole où chacun apporte ses revendications catégorielles sans qu’il y ait sur le fond de cohérence entre toutes les revendications. Le syndicat n’est pas un « self-service social ». Son rôle est certes d’être à l’écoute des revendications de tous les travailleurs, mais il doit aussi les organiser en fonction d’un but commun à tous. Ce but commun autour duquel peut se structurer sur le long terme l’unité d’action du syndicat, c’est un projet de société.

Mais est-ce le rôle d’un syndicat de proposer un projet de société ? Non, c’est celui d’un parti politique. Or force est de constater qu’à l’heure actuelle aucun parti ne propose de projet de société. On nous propose certes des « programmes » politiques, mais un programme n’est en principe rien d’autre que le listage de moyens destinés à atteindre un but, ce n’est pas un but en soi. Pour l’instant nous avons donc des programmes avancés par les uns et les autres, mais aucun parti ne nous dit : voilà la société que je veux. Au mieux on nous sert des vœux pieux : une société plus égalitaire, moins d’injustice, plus de solidarité, etc. Objectifs nobles, certes, auxquels se cramponnent pratiquement tous les partis, de gauche comme de droite, mais ce ne sont souvent que des déclarations d’intention qui ne coûtent strictement rien, et surtout qui éludent la question de fond : quelle société voulons-nous construire ? A cet égard, reconnaissons tout de même que les partis de la droite sont plus clairs à ce sujet que ceux « de gauche », la société marchande capitaliste étant déjà en place et constituant leur fond de commerce politique.

Proposer des programmes de gouvernement au lieu d’un projet de société offre un autre avantage pour nos politiciens : éviter aux libéraux (de l’extrême droite aux sociaux-démocrates du PS) d’affirmer qu’ils sont partisans du système capitaliste actuel, avec son cortège d’inégalités et d’injustices inacceptables, de pauvreté à croissance exponentielle, de captation des richesses par quelques-uns au détriment des peuples, etc. Cependant force est de constater que cet évitement de la question cruciale d’un projet de société en bonne et due forme concerne tout aussi bien, désormais , des partis qui officiellement rejettent le système capitaliste, dont en premier lieu le PCF. Depuis l’abandon de la « dictature du prolétariat », abandon opéré au nom d’une stratégie bassement électoraliste, le PCF n’a cessé de se renier en reniant les unes après les autres toutes les valeurs qui ont jadis fait sa force, et qui étaient sa raison d’être. On peut constater aujourd’hui les résultats d’une telle stratégie. Mais loin de se remettre en question la direction du PCF persiste : son engagement dans le giron de l’Europe capitaliste est une véritable trahison envers la classe ouvrière. Une partie de la direction de la CGT s’est engagée dans la même voie, en commençant il y a quelques années par abandonner la ligne de lutte des classes, puis en s’engageant dans la CES, officine européenne des syndicats d’accompagnement du capitalisme. Après tous les renoncements idéologiques auxquels il s’est livré, l’hémorragie de militants qui a frappé le PCF atteindra-t-elle à un moment ou un autre notre syndicat ?

Pour revenir à notre propos, il est certain qu’à l’heure actuelle il serait vain de chercher un projet de société crédible dans lequel il serait question d’appropriation collective des moyens de production…  Les militants  cégétistes qui se calent sur une position de luttes des classes ne peuvent donc plus organiser leurs actions en vue de la réalisation d’un projet général de société ; par contre le courant réformiste du syndicat s’appuie sur le projet capitaliste européen, projet d’instauration générale de ce que le candidat Sarkozy appelait en 2005 « l’Euramérique ». Les réformistes cégétistes semblent croire, tout comme les sociaux-démocrates, que l’on peut faire en sorte de « s’arranger » avec ce système capitaliste, qu’on peut y influer de l’intérieur afin qu’il soit plus acceptable pour les travailleurs. C’est bien sûr oublier l’histoire et la nature même du système qui tend et tendra toujours au même but, l’exploitation maximale des travailleurs. Il n’y a aucune illusion à se faire à ce sujet.

Pour les militants syndicaux qui pensent que la CGT doit rester un syndicat de classe et de masse et ne pas se compromettre dans des « arrangements » avec un « capitalisme  triomphant », la difficulté pour un grand nombre d’entre eux est aujourd’hui de discerner le sens exact à donner à leurs luttes ou le sens exact des directives de la hiérarchie cégétiste, puisque précisément ils ne peuvent plus se référer à un projet de société clairement établi (au mieux, dans la gauche révolutionnaire, se réfère-ton à un projet politique de façon implicite – tout le monde étant supposé savoir de quoi on parle). Se référer à des valeurs générales comme la République, la laïcité, la paix ou la démocratie, ne suffit pas à éclaircir la visée politique finale du combat syndical, puisque comme je l’ai dit nos ennemis de classe se réfèrent aux mêmes valeurs. Il est donc absolument nécessaire de faire œuvre pédagogique en quelque sorte en présentant aux militants et aux citoyens en général un véritable projet de société, noir sur blanc, qui affirme les principes de la nécessité de la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme et de la socialisation des moyens de production et d'échange. Mais en attendant ? En attendant, la véritable boussole du militant syndical, l’ossature sur laquelle doivent s’articuler toutes ses actions reste la ligne de la lutte des classes, la conviction que quoi qu’il arrive le but du capitalisme et des gouvernements à sa solde reste toujours le même : renforcer toujours plus l’exploitation des travailleurs afin de dégager toujours plus de profits.

A cet égard la Conférence sociale récemment organisée en France en est un bel exemple, puisqu’il s’agissait d’amener les syndicats à collaborer avec les patrons afin de « trouver des solutions pour réduire le coût du travail » - c’est-à-dire réduire nos salaires, par les impôts ou les prélèvements divers, etc. Lorsqu’on nous parle de « baisse du pouvoir d’achat », il ne faut pas penser simplement « baisse du pouvoir d’achat », mais bel et bien « baisse des salaires », ce qu’est en réalité une baisse du pouvoir d’achat. La baisse des salaires par tous les moyens, directs ou indirects, reste la pierre angulaire, la concrétisation majeure de la lutte des classes, c’est-à-dire de l’exploitation sans cesse accrue des travailleurs. La collaboration de nos dirigeants syndicaux à cette Conférence sociale « repose sur l'illusion que « le dialogue social » avec le pouvoir serait plus efficace que la construction d'un réel rapport de force global en confrontation directe avec lui. Ainsi on a conforté sa volonté de poursuivre et d'aggraver les contre-réformes comme on le voit avec le retour en force du prolongement de l'âge de départ à la retraite. A la stratégie globale de contre-réformes du pouvoir et du MEDEF doit correspondre une stratégie de résistance globale et du « TOUS ENSEMBLE », associé à une bataille d'idées sans concessions. » (Front Syndical de Classe, http://www.frontsyndical-classe.org/article-33286929.html)

Les militants de la CGT  qui pensent comme nous  que la lutte des classes est une réalité incontournable, et que comme le disait Henri Krasucki : « Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l'unité, son motif le plus puissant. C'est pour la mener avec succès en rassemblant l'ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n'est pas une invention, c'est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu'elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l'exploitation et à l'écrasement. », se sont regroupés au sein du Front Syndical de Classe.

Dans ce cadre, le Front Syndical Santé rassemble les militants sur des thèmes plus spécifiques à la Santé. Le FSC n’est pas un syndicat, c’est une association de militants syndicaux de la CGT et de la FSU. Il ne s’agit donc pas de « remplacer » d’une façon ou d’une autre les structures existantes de la CGT, mais simplement de nous regrouper afin de nous faire entendre de nos dirigeants syndicaux et les amener à retrouver le chemin de la lutte des classes.

Camarades, ensemble nous pouvons imposer à nos dirigeants ces idées que partagent un grand nombre des militants de base.  Rejoignez-nous au Front Syndical de Classe Santé !

Bernard Giusti, Secrétaire Général Adjoint CGT Cochin, Paris

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Les ordres professionnels dans la fonction publique hospitalière

Publié le 8 Juin 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

Les ordres professionnels dans la fonction publique hospitalière

Sous le gouvernement Sarkozy, certains hospitaliers (infirmières, podologues, kinés…) ont vu se mettre en place des ordres professionnels spécifiques à leurs disciplines. Ces ordres ont été calqués sur le plus connu d’entre eux, l’Ordre des Médecins, véritable officine de contrôle idéologique mise en place par le sinistre Régime de Vichy dès 1940. Ainsi par exemple étaient réglementées les relations entre les médecins et leurs patients juifs, puis plus tard l’interdiction d’exercer faite aux médecins ou aux avocats juifs.

C’est dans cet esprit de soumission au pouvoir politique qu’ont été introduites les réformes de Sarkozy.

Du jour au lendemain, les infirmières et les kinés ont été obligés de payer pour travailler ! Mais ces ordres ont un autre but : en effet, en adhérant à des ordres professionnels, les personnels ne relèveront plus des Commissions Administratives Paritaires (CAP) mais seront « jugés par leurs pairs ». En réalité, non seulement un médecin continuera à donner son avis mais en outre la plupart des dirigeants de ces ordres ne prodiguent plus de soins depuis longtemps. Ce sont des gens… aux ordres ! Les paramédicaux relèvent désormais de trois hiérarchies : une hiérarchie fonctionnelle (corps médical), une hiérarchie administrative (direction de l’hôpital) et à présent une hiérarchie ordinale. Beaucoup de hiérarchies pour une seule tête ! D’autant qu’à l’heure actuelle, période intermédiaire, les CAP pour les paramédicaux n’ont pas encore été abrogées…

La mise en place de l’ordre professionnel infirmier s’est accompagnée d’un scandale financier. En effet, les responsables de cet ordre se sont octroyé des indemnités exorbitantes, ont mis en place des infrastructures démesurées qui ont engendré un déficit colossal (plusieurs millions d’euros en moins de deux ans d’existence) ! Pour combler ce déficit il fallait faire rentrer l’argent : les pressions sur les infirmières réticentes se sont multipliées. Par exemple, les jeunes infirmières débutantes se voient confrontées à un chantage odieux : si elles ne cotisent pas, la hiérarchie les menace de ne pas leur donner leur prime d’installation. Sans cotisation à l’ordre infirmier, on fait croire aux infirmières libérales qu’elles n’obtiendront pas le numéro d’enregistrement qui leur permet d’exercer…

En résumé, non seulement les professionnels doivent payer pour travailler, mais ils doivent aussi rembourser les dettes des dirigeants de ces ordres…

 

Malgré pressions et intimidations, la majorité des infirmières refusent de cotiser à cette structure directement héritée du pétainisme !

Les kinés et podologues souffrent depuis plus longtemps de la mise en place de cette structure. De ce fait, ils sont plus exposés aux mesures de rétorsion juridiques. Plusieurs, kinés ou podologues ont été trainés devant les tribunaux pour « exercice illégal de la profession » pour défaut de cotisations (un collègue de l’hôpital Corentin Celton se retrouve dans une situation désespérée suite à sa condamnation). Cette rigueur destructrice se fait, comble d’ironie, sur fond d’un « code déontologique » basé sur une idéologie pour le moins nauséabonde…

 

Les ordres professionnels paramédicaux signent aussi le retour au « bon vieux corporatisme » cher à tous les diviseurs de la classe ouvrière. En effet, ils imposent des « devoirs » aux travailleurs qui vont à l’encontre et annihilent toutes autres revendications (salaires, amélioration des conditions de travail, respect du code du travail, etc.). Par ce biais, on focalise les luttes sur des revendications catégorielles, ce qui désolidarise l’ensemble des travailleurs de l’hôpital.

 

Jusqu’à Sarkozy les professions paramédicales fonctionnaient parfaitement sans ordres professionnels. Le Programme Commun qui amena Mitterrand en 1981 au pouvoir avec un gouvernement de la Gauche Unie prévoyait l’abolition des ordres professionnels (médecins, avocats, etc.). L’instauration d’ordres professionnels dans le corps des paramédicaux s’intègre à une politique visant d’une part à la disparition de l’Assistance Publique, et d’autre part à évincer les partenaires sociaux. En matière de politique de Santé, les socialistes ont été clairs : ils sont pour les restructurations hospitalières (pudiquement dénommées « modernisations »). Hollande abrogera-t-il enfin les ordres professionnels ? C’est une nécessité que nous aurons sans doute beaucoup de difficulté à faire admettre au nouveau gouvernement.  A moins de changer de système…

 

Marise Dantin & Bernard Giusti, CGT Cochin

en coopération avec Marianne Sainty (IDE) & François Sénac (IDE)

 

* IDE : Infirmier Diplômé d’Etat

 

 Article paru dans l'Huma Dimanche

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Rencontre avec Mike Elk

Publié le 15 Mai 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

 

Front Syndical de Classe Santé

 

Le mardi 15 mai 2012, la CGT Cochin représentée par Marise Dantin (Secrétaire Générale) et Bernard Giusti (Secrétaire Général Adjoint) a reçu le journaliste américain Mike Elk, envoyé par  le  journal « In These Times ». Souhaitant rencontrer des syndicalistes CGT de terrain actifs et offensifs, il les a contactés sur les conseils de la branche internationale de camarades cégétistes du Front Syndical de Classe.

Les questions ont porté sur la situation économique et sur la politique intérieure en France, sur la politique extérieure, ainsi que sur les politiques et les actions syndicales en France et en Europe. Ce fut aussi l’occasion d’échanger sur les mouvements, actuels ou futurs, des travailleurs aux Etats-Unis, mouvements le plus souvent ignorés ou occultés par les médias français.

 

Marise Dantin et Bernard Giusti ont fait part à Mike Elk de la dégradation économique et sociale au cours des dernières décennies, notamment de la dégradation des services publics et de l’appauvrissement de la population française. Ils ont particulièrement insisté sur la dégradation en matière de Santé publique, relevant que de plus en plus, en France, on est soigné non pas en fonction de ses besoins, mais en fonction de ses moyens. Le parallèle avec la situation aux Etats-Unis a été souligné.

 

A une question de Mike Elk concernant l’élection de François Hollande à la Présidence de la République, Bernard Giusti et Marise Dantin ont exprimé leur soulagement d’avoir « viré Sarko », mais aussi leurs réserves quant aux capacités du nouveau Président à mener une véritable politique de gauche. Ils ont souligné que des mouvements sociaux  importants seront probablement indispensables pour que le nouveau gouvernement prenne les mesures nécessaires, ne serait-ce que pour le rétablissement d’un niveau de vie décent de l’ensemble de la population. Le saccage et le pillage orchestré par la droite ont en effet laissé des traces profondes…

 

La question a été posée quant à l’organisation par les centrales syndicales de tels mouvements sociaux. Marise Dantin et Bernard Giusti ont rappelé au journaliste que les mouvements sur les Retraites n’ont pas empêché les réformes d’être votées. A leur sens, la responsabilité de certaines centrales syndicales a été largement engagée dans ce résultat. Selon eux, les forces sur le terrain étaient largement suffisantes pour faire reculer le gouvernement de l’époque. Leur analyse est qu’à l’heure actuelle il y a une distance qui s’est instaurée entre des centrales syndicales - surtout préoccupées de leur « politique européenne » - et leurs bases qui elles se défient de cette Europe capitaliste. Il en ressort des mouvements éclatés par « branches », au détriment d’actions générales et solidaires. On manifeste un jour pour l’Education Nationale, le lendemain pour la Santé, etc.

 

Répondant à une autre question, Bernard Giusti et Marise Dantin ont déclaré qu’il y avait une volonté politique de faire « l’Euramérique », c’est-à-dire d’unifier dans une optique capitaliste les systèmes politiques, économiques et sociaux, dans l’ensemble des pays occidentaux. La « libéralisation » du travail  entraîne la précarité, l’exploitation accrue des travailleurs, lesquels, comme particulièrement dans les hôpitaux à l’heure actuelle, sont de plus en plus désespérés (l’augmentation en flèche des suicides en témoigne). Cette politique est aussi responsable de la fameuse et prétendue « dette » qui asservit des pays entiers. En Europe, le sort réservé à la Grèce, à l’Espagne, à l’Italie, etc., ainsi que les politiques d’austérité mises en place partout, en témoignent. Les travailleurs français ne peuvent que se sentir solidaires des souffrances infligées à leurs frères européens. La seule solution serait de changer de système.

 

Mike Elk a soulevé la question de l’Enseignement, soulignant les différences patentes aux Etats-Unis en fonction des classes sociales et des quartiers. Marise Dantin et Bernard Giusti ont fait le parallèle avec la situation actuelle en France. Ils ont notamment pointé la baisse très importante du niveau de culture générale en France au cours des dernières décennies. La gratuité de l’enseignement est devenue depuis longtemps purement hypothétique, ce qui est particulièrement évident dans le cadre des études supérieures. L’enseignement en fonction des classes sociales et des zones géographiques est devenu la norme. Le manque de moyens, d’enseignants et de personnel scolaire, ainsi que celui de la formation des enseignants,  est largement responsable de cette situation.

 

Cet échange a été fructueux, et a montré notamment que les travailleurs subissent tous la même exploitation capitaliste, qui appauvrit la quasi-totalité des populations au profit de quelques-uns. Il a montré aussi la nécessité de multiplier ces échanges afin de renforcer la capacité de mener des mouvements victorieux, non seulement aujourd’hui mais aussi demain, pour que les logiques comptables au profit d’un petit nombre cèdent la place à des logiques humaines mises en place pour le bien de tous.

 

http://www.inthesetimes.com/about/

 

Bernard Giusti et Marise Dantin sont membres du Front Syndical de Classe

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Certains patients affectés par des maladies chroniques fréquentent régulièrement les hôpitaux...

Publié le 26 Avril 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

Certains patients affectés par des maladies chroniques fréquentent régulièrement les hôpitaux. Ils ont vu les changements intervenus ces dernières années, et leurs témoignages sont édifiants. Nous avons rencontré l’une de ces patientes à l’hôpital Cochin, Mme Françoise J., secrétaire dans une P.M.E.

Mme J. est suivie en Rhumatologie pour un syndrome de type Fiessinger-Leroy-Reiter, une maladie inflammatoire dégénérative et douloureuse. Elle consulte depuis 15 ans.

« Il y a quinze ans, dit-elle, l’accueil était bien différent. Le personnel était très à l’écoute de mes problèmes et toujours disponible. Si je devais venir à jeun pour des examens, on m’offrait ensuite une collation. Aujourd’hui, le personnel n’a plus le temps de nous écouter, et l’accueil est beaucoup moins chaleureux, et il n’y a plus de collation… » Pour la CGT de Cochin, il est évident que Mme J. subit les suppressions de personnel – plus de 800 postes en moins en 4 ans – et les sous-effectifs. D’une façon générale, le personnel de l’hôpital a conscience de mal faire son travail, car la relation aux patients est devenue quasiment inexistante alors qu’elle fait partie des soins. Mme J. subit aussi les restrictions budgétaires qui portent même sur des économies de bouts de chandelle et dégradent les conditions d’accueil des patients de l’hôpital public.

Mme J. ajoute que « les rendez-vous sont de plus en plus difficiles à obtenir rapidement, près de six à huit mois d’attente pour un spécialiste. Aussi lorsque j’ai des poussées inflammatoires importantes, qui sont toujours très douloureuses et invalidantes, il m’arrive souvent de devoir improviser moi-même les adaptations de mon traitement, faute de pouvoir consulter mon médecin. » Ce que Mme J. ne dit pas mais que la CGT Cochin dénonce depuis longtemps, c’est l’instauration d’une médecine à deux vitesses. Si Mme J. avait les moyens de payer une consultation privée (de 150 à 200 euros), elle serait reçue rapidement…

« Je n’ai pas vraiment le choix de toute façon, déclare Mme J., car mon spécialiste me suit depuis des années et il connaît bien mon dossier et ma pathologie. » La CGT Cochin ajoute que depuis la réforme de la Sécurité Sociale, les patients sont de toute façon obligés de passer par un médecin traitant qui fait office de « référent » avant de pouvoir consulter un spécialiste, ce qui complique le parcours de soins… Certains généralistes peuvent être réticents à indiquer au patient un autre spécialiste, et il faut alors changer de médecin traitant ou garder le spécialiste. La CGT Cochin observe en outre que ces changements de spécialistes ne sont pas dus aux compétences du médecin, mais aux difficultés rencontrées à l’hôpital public.

« Ayant dû être hospitalisée à plusieurs reprises au cours de ces 15 ans, j’ai pu constater une nette dégradation de mes conditions de séjour, notamment pour la nourriture. Et puis on se connaissait bien avec les infirmières et les aides-soignants, et on parlait de nos familles, de nos enfants… Etre hospitalisée me semblait moins dur car je savais que je verrais mes « copines ». Maintenant le personnel change souvent et on ne le voit plus que pour les soins et les médicaments. Lors de mes dernières hospitalisations, je n’avais pas toujours le moral et je me sentais un peu seule… Et pour obtenir des antalgiques je devais appuyer plusieurs fois sur la sonnette avant que quelqu’un puisse venir me voir… »  Depuis le début des restructurations à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP), le personnel a subi de plein fouet les suppressions d’emploi, d’où la dégradation évidente des conditions de travail. Il n’est pas rare que dans un service une seule infirmière ait à s’occuper de 30 patients… Les patients se voient donc « soignés à la chaîne », au grand dam du personnel qui n’en peut mais. Les études montrant l’importance du « moral » dans la guérison ne sont manifestement pas prises en compte par des décideurs uniquement préoccupés de rentabilité.

Mme J. nous a confié aussi que sa fille, qui était suivie en gynécologie à Saint-Vincent de Paul (hôpital d’excellence désormais fermé par l’Assistance Publique), éprouve le même sentiment de dégradation lorsqu’elle va consulter dans la maternité flambant neuve de Cochin-Port Royal : files d’attente interminables, difficultés pour se renseigner afin de savoir où se diriger, personnel surchargé et stressé, donc moins disponible, etc.

De fait, le témoignage de Mme J. et de sa fille met en lumière ce qui se passe dans tous les services de l’hôpital, souvent de façon plus sévère encore. Les sous-effectifs organisés par la direction centrale de l’APHP sous les ordres du ministère s’accentuent d’année en année. La CGT Cochin ne cesse de dénoncer et mettre en garde la population et les décideurs sur les dangers engendrés par le manque de personnel, lequel par conscience professionnelle doit très souvent sacrifier ses repos. Au premier rang de ces dangers, il y a les conséquences pour la santé des patients (1). Cette diminution drastique des personnels est opérée au nom d’une politique libérale qui soumet la Santé publique à une logique comptable, au détriment de la logique médicale, donc de la santé des citoyens.

Le seul moyen de s’opposer à cette logique comptable dévastatrice est d’imposer une nouvelle politique de partage et de solidarité, donc un nouveau système économique.

Marise Dantin & Bernard Giusti – CGT Cochin (Paris)

(1)   : récemment, dans la maternité flambant neuve de Port-Royal, une femme a accouché seule…

Article publié dans l’Huma Dimanche

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Présidentielles et législatives : un soutien raisonné au Front de Gauche

Publié le 21 Avril 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

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Gros plan sur un métier méconnu : le brancardage

Publié le 29 Mars 2012 par Bernard Giusti dans Articles politiques et syndicaux, bernardgiusti

En dehors des soins directs dispensés dans un établissement de santé, il existe de nombreux métiers dont on parle généralement peu, voire pas du tout, et qui sont pourtant indispensables à la prise en charge des patients. Ouvriers, administratifs, personnel de bio-nettoyage ou personnel de cuisine, garçons de salle, archivistes, tous ces métiers, qui sont souvent considérés comme des « petits métiers », concourent à la bonne marche des services et à l’efficacité des soins. L’un de ces métiers méconnus est celui du brancardage.

 

La plupart des personnes qui ont été hospitalisées ont été prises en charge, à un moment ou un autre, par un brancardier : passage d’un service à un autre, acheminement vers les blocs opératoires ou vers les services d’examens (radiologie, laboratoires…), tous déplacements nécessitant une mobilisation du patient.

 

Recrutés dans les catégories des Aides Soignants (AS) et des Agents Hospitaliers, avec la privatisation rampante des hôpitaux les brancardiers ont vu arriver parmi eux des CDD au cours de ces dernières années. On a donc assisté, en réalité, à une déqualification progressive de ce métier, et ceci dans une quasi-indifférence générale, qui est due au fait que le brancardier est souvent perçu comme les laquais qui jadis transportaient les chaises à porteurs. En somme, le brancardier « c’est quelqu’un qui pousse un truc »…

Il est vrai que le brancardage est d’abord physique : il faut soulever des patients, pousser ou tirer des chaises roulantes ou des brancards qui peuvent lorsqu’ils sont équipés être très lourds, ou encore des lits à roulettes peu maniables ; il faut parfois emprunter des couloirs ou des galeries dont les sols sont inégaux, monter ou descendre des pentes très accentuées, traverser des cours par tous les temps, qu’il neige ou qu’il vente, et tout cela en ayant toujours comme préoccupation première le confort et la sécurité du patient.

Le manque de reconnaissance de ce métier ne concerne malheureusement pas que les patients, mais aussi une partie du personnel soignant. Que l’on soit AS affecté au brancardage ou AS affecté dans un service change le regard qui est porté sur vous. L’une des raisons est sans doute liée au temps passé auprès du malade. N’ayant qu’un rapport épisodique et relativement court avec le patient, le brancardier ne bénéficie pas de la même reconnaissance que l’AS du service, qui lui est toujours sur place et est partie intégrante de l’équipe soignante.

Le rôle du brancardier ne se limite pourtant pas à « pousser et tirer des trucs ». Durant le temps du transport, la sécurité et la surveillance du patient lui sont dévolues. A lui de veiller à ce qu’une perfusion ne se débranche pas, à ce que certains patients agités ne tombent pas du lit ou du brancard, à veiller que le malade ne fasse pas un malaise inopiné, etc., tout cela en prenant garde à éviter toutes les chausse-trappes disséminées sur sa route…, Il est arrivé par exemple qu’un brancardier et son patient en cours de transfert se retrouvent bloqués dans un ascenseur en panne. En attendant les secours (qui en raison de la privatisation des ascenseurs ont beaucoup tardé) c’est le brancardier qui a dû assumer la tâche de soignant. Heureusement, ce brancardier-là était un AS et non un CDD ignorant les gestes élémentaires de secours…

Il lui incombe aussi de signaler au service destinataire tout incident concernant le patient et ayant eu lieu durant le transport, ce qui peut être une indication très précieuse pour l’équipe médicale.

 

Avec la politique libérale qui veut faire de l’établissement de santé une entreprise et qui a pour objectif la réduction du personnel, de nouvelles organisations de travail pour les brancardiers se sont mises en place. Elles visent à « rentabiliser » ce métier en quantifiant les déplacements de chaque brancardier, tout en occultant son rôle de soignant. On ne tient pas compte de la dimension humaine de ce métier, qui consiste par exemple à rassurer tel ou tel patient, à s’assurer de son confort, etc., toutes « petites choses » qui font partie du brancardage et qui échappent à la quantification. Le résultat est une déshumanisation du rapport aux patients, déshumanisation générale à tous les corps de métiers de la Santé. En effet, le nombre de transports attribués à chaque agent ne lui laisse que très peu de temps pour effectuer ce que l’on peut appeler « une course », dans tous les sens du terme. Du même coup, le patient est quant à lui traité comme « un colis »…

Cette même politique libérale (c’est-à-dire capitaliste) tend de plus en plus à attribuer des tâches de brancardage aux infirmières et aux AS des services de soins, en lieu et place des brancardiers. Une diminution progressive des effectifs attribués à ce métier qui laisse mal augurer de l’avenir…

Sauf à changer de système en rejetant le système libéral.

 

 

Bernard Giusti et Marise Dantin

CGT de l’hôpital Cochin

 

Article paru dans l’Huma Dimanche

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